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Interview LAHO


I N T E R V I E W


Lola Tinnirello

LAHO expose à la SLOW Galerie du 4 au 29 juillet 2017.
L’entretien mené par Julie Abricot a été réalisé le jour du vernissage.
Les photographies sont de Camille Delahaye et Sarah Balounaïck.

 

 


LAHO, « La » de Lola et « o » de Tinnirello? Qu’est-ce que ça signifie?

Laho fait référence aux éléments situés en hauteur/altitude: l’espace, le ciel, les volcans. Ce pseudo est aussi lié à mon imagination et mon inconscient. J’ai pris l’habitude de noter mes rêves, et les associations d’idées qu’ils contiennent servent mes illustrations.


D’où te viennent tes inspirations?

En plus de mes rêves, je m’inspire beaucoup d’ambiances, de scènes anecdotiques de rues. À partir de ces observations, je crée ainsi des récits incongrus.
Je suis également très sensible à l’art brut. Cette esthétique naïve me fascine. Je voudrais m’en rapprocher dans mon travail. Pour cette exposition, j’ai donc essayé de proposer des dessins avec plus de matières mais aux traits plus simples, à l’inverse du foisonnement habituel.
La mythologie, la religion, la représentation divine sont aussi une grande source d’inspiration. J’ai en ma possession beaucoup d’images sacrées. Dans l’imagerie indienne par exemple, les façons de composer les dieux selon leurs attributs etc m’aident à hiérarchiser mes compositions.


Comment penses-tu tes dessins?

Je note mes rêves et je les dessine. Une fois l’idée précise en tête, je m’attaque au crayonné et à la couleur, sans esquisse préparatoire. Le résultat est rapide. C’est le temps de réflexion qui est assez long. Des compositions s’assemblent et prennent forme. Pour ce qui en est des titres, je les trouve après-coup.

 

En parlant de titres, pourquoi celui de Gardienne pour un de tes dyptiques?

Ces personnages sont nés lors de la réalisation d’une fresque pour un festival à Caen. Ils apparaissent aussi dans mon dessin Refuge. J’avais rêvé de quelque chose à préserver, les gardiennes gardent ce secret. Mais le nom pour ces êtres est venu plus tard. À Caen, à côté d’un campement de migrants, de lieux désaffectés, des prostituées en marge de la ville, je pense aux gardiennes qui veillent et protègent ces femmes qui travaillent de leurs corps, symboles de féminité.
Mais le plus souvent, les personnages que je représente sont asexués. J’ai l’impression que les spectateurs peuvent se projeter plus facilement dans le dessin de cette façon.


Pourquoi des couleurs plus douces pour Jardin d’enfant?

C’est vrai qu’il y a moins de contraste. J’étais dans une période d’expérimentation de nouvelles techniques et de manière de dessiner. Pour cette production j’ai utilisé des blo-pen. Dans la démarche et le résultat, le côté ludique est présent. On peut penser à un parcours dans un square ou à un circuit.


Peux-tu me parler de la scénographie de l’exposition?

Il s’agit de ma première exposition solo et j’ai voulu reproduire une idée de foisonnement qui se retrouve dans mes stands quand je participe à des salons de micro-edition. Mais ici, la scénographie est bien structurée pour apporter de l’équilibre face aux oeuvres déjà riches en informations. L’oeil ne doit pas se perdre.


Songes est l’oeuvre maîtresse de l’acrochage. Est-ce que tu peux m’en dire quelques
mots?

Songes mêle rêverie et plaisir. Je venais de revoir Mulholland Drive [ndlr de David Lynch, 2001]. Dans ce film, un plan montre les deux personnages principaux allongés dans un lit. Leurs deux bouches qui se rencontrent, forment une bouche nouvelle qui symbolise l’union entre deux êtres. C’est la première illustration qui était destinée à cette exposition. Le format initial était un A4. J’ai décidé d’en faire une sérigraphie pour volontairement travailler le jeu de matières et choisir par la suite un format plus grand, pour un résultat époustouflant [rires].


Qu’est-ce qui t’a inspiré pour Déesse aux six visages?
Elle représente le pouvoir de métamorphose. Jouer avec son identité et s’en amuser. Cela rejoint aussi la notion de corps asexués dont je parlais plus tôt.
Ce personnage est inspiré d’un rêve, celui d’une femme nue allongée dans un bain, recouverte d’un drap. Son visage est clair et ses cheveux très longs. Elle est symbole. Je me suis donc servie de cette figure dans cette exposition pour poser la question de l’identité.


Cette mise en scène avec tes céramiques est-elle à considérer comme un espace
de dévotion? Est-ce qu’on peut également faire un parallèle avec des icônes
religieuses?

J’aime l’imagerie mystique et ce petit autel met en lumière cette idée. J’ai commencé la céramique il y a un an. Les pièces, du point de vue technique, ne sont pas bien réalisées mais l’important était de m’exprimer autrement. Le résultat n’est pas un bel objet mais ironiquement, il est placé sur un piedestal. À l’inverse de mes dessins, l’aspect brut est transmis/visible.
Un coin «coquin» dispose d’une imagerie plus intime que je voudrais développer davantage.

 

Pour conclure, j’aimerais que tu me parles de ton collectif Cari Medley. Est-ce que
ton style y est différent?

Teo Nguyen que j’ai rencontré à l’école a un style plutôt graphique et moi illustratif. Il est à Toulouse et je travaille à Lyon. On doit relancer le duo, surtout qu’on ne reçoit que des compliments!